Yves GUILLO – Directeur des Opérations du Groupe Mister Menuiserie se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Interview Passion Supply Chain
Yves, on aimerait en savoir un peu plus sur toi, et ton poste de Directeur Opérations Groupe de Mister Menuiserie
Ma carrière a en permanence évolué autour de 2 axes : la performance industrielle et l’excellence de la supply chain, principalement dans le monde automobile de type BtoB, pour le compte de grands groupes.
Aussi, mon poste actuel est-il un véritable challenge car il se situe dans un univers totalement différent, celui du BtoC, dans le retail digital, dans une scale-up.
Ma mission est d’accompagner la métamorphose d’une start-up en une entreprise stabilisée. En effet, l’hyper croissance sans gestion adaptée, peut mettre en danger la pérennité de l’entreprise.
La remise en question de l’existant doit être permanente. Il faut maintenir une excellence opérationnelle tout en modifiant (significativement et régulièrement) l’environnement de travail des collaborateurs, tant sur les outils que sur les process.
La plupart des personnes ont du mal à visualiser ce que cela signifie concrètement. Aussi, je les invite à regarder la petite vidéo (très ludique 😊) suivante
Dans cette vidéo, l’écart entre les tables, qui augmente au fur et à mesure, représente l’évolution du chiffre d’affaires. Le mobile permettant de passer d’une table à l’autre représente l’organisation de l’entreprise. Ce dernier évolue en permanence. Parfois la progression semble impossible mais au final, la seule limite est celle de notre intelligence et de notre capacité à accompagner, à fédérer les équipes autour du projet.
Yves, quel métier te faisait rêver lorsque tu étais enfant ?
Cette question revenait souvent en famille : « Tu veux faire quoi plus tard ? »
Ce moment était gênant voire traumatisant 😊. En effet, j’avais beau réfléchir, rien ne venait.
Devant l’attente de mes inquisiteurs, je répondais : « Pilote de F1 ou pompier ». Mais au fond de moi, j’étais incapable de trouver une réponse.
D’une part, le champ du possible était inconnu. Les métiers référents (médecin, institutrice, …) ne représentent qu’une infime partie des métiers existants. D’autre part, l’éveil de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte aux différents métiers possibles, était à mon époque, un échec. Cette question me taraudait encore lors de mes études supérieures.
Fort heureusement, les choses ont évolué avec des stages obligatoires en 3ième permettant pour la première fois de découvrir le monde du travail. De plus en plus d’interventions existent à l’initiative des professeurs de lycée, afin de faire venir le monde du travail au sein de l’enceinte scolaire.
Il s’agit d’un engagement essentiel que nous devons avoir vis-à-vis des jeunes générations quant au fait de leur apporter une vision large de ce qui existe, de ce qu’il est possible de faire.
Parle-nous de ton parcours et de tes expériences professionnelles ?
Je suis titulaire de 2 DESS. Le premier en physique-chimie avec une spécialité dans l’analyse des matériaux. Le second en administration des entreprises spécialisé dans la gestion des opérations.
C’est la somme de ces deux formations qui m’a permis très tôt de disposer d’une vision très transverse d’une entreprise.
Pour mon premier emploi, j’ai eu la chance de pouvoir directement manager une équipe de production pour le compte d’une PME : expérience enrichissante mais limitante.
Aussi, j’ai rapidement intégré un grand groupe (Valeo) dans lequel j’ai pu pleinement m’épanouir et découvrir un métier remarquable au sein d’un cadre privilégié : la Supply Chain.
Mon évolution m’a amené à travailler une décennie à l’étranger et à vivre l’aventure de l’entreprenariat.
Fort de cette expérience, j’accompagne maintenant les entreprises à réaliser les transformations nécessaires à l’obtention d’une excellence opérationnelle.
Quel a été le déclic ou l’expérience qui t’a amené à t’intéresser à la Supply Chain ?
J’ai intégré Valeo à un moment clef, au sein d’un site particulier. En effet, Valeo souhaitait faire de la Supply Chain une arme économique. L’objectif étant de mettre en place une logistique forte, similaire, au sein de la totalité de ses 110 sites de production (à l’époque).
J’ai eu la chance et le privilège d’intégrer l’équipe en charge de la mise en place de cette Supply Chain sur le site pilote.
Pour ce projet stratégique, le groupe a fait appel aux meilleurs professionnels possibles afin de pouvoir définir le cadre et les outils les plus pertinents. Puis, de former l’équipe de mise en place.
J’ai donc pu bénéficier d’un accompagnement exceptionnel. Cette expérience a été une révélation sur ce que pouvait être la Supply Chain lorsque cette dernière est mise au centre de tous les processus.
Ton plus gros challenge ?
Mon plus gros challenge a été de fonder, pour le compte d’une entreprise de transport, une nouvelle division dédiée aux opérations logistiques au sein d’un pays étranger dans lequel les textes de loi étaient défavorables à l’émergence de ce métier.
En accord avec les autorités locales, j’ai collaboré à la création de règles douanières permettant de rendre ces opérations possibles.
Dans le même temps, j’ai pu satisfaire mon envie d’entreprenariat à travers la création complète d’une entreprise : démarches administratives, définition du produit, définition et mise en place des moyens, des équipes, des processus, recherche des premiers clients, …
Quel est ton meilleur souvenir ?
Il s’agit de l’inauguration du site que j’avais conçu. Il était la consécration de deux années de travail acharné, tant sur la partie définition, administrative, recrutement, métiers que suivi de chantier.
Ce site représentait le commencement d’une nouvelle activité et de possibilités inédites pour un écosystème industriel complet.
Une plateforme 3PL venait de naître dans un pays où elle n’existait pas.
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer ton métier ?
Les trois composantes essentielles (mais non suffisantes) sont :
- la connaissance académique de la Supply Chain. Il ne s’agit plus d’un métier où un simple bon sens est suffisant, contrairement à une idée largement répandue,
- bien évidemment le management des équipes. A la fois, pour la partie animation et pour l’accompagnement au changement,
- et enfin, la gestion des interactions avec les autres services.
À ce socle, il convient d’ajouter une qualité taboue dans notre culture : celle du management de l’échec.
Un échec est une source inestimable d’apprentissage. L’échec doit être traité positivement. Sur ce sujet, j’invite toujours mes interlocuteurs à voir la vidéo suivante
« L’échec n’est qu’une opportunité pour recommencer plus intelligemment » Henry Ford
Si tu pouvais décrire ton métier en une image ?
Sans hésitation : celle d’une tour de contrôle.
Ce bâtiment n’est pas très « sexy » à l’image de notre métier.
Il s’agit d’un lieu mystérieux où les voyageurs ne savent pas trop comment ça marche, oubliant souvent que c’est un élément essentiel dans la gestion des flux complexes de l’aéroport, au sol comme dans les airs.
Quelles sont les difficultés liées à la nature de ton métier ?
Les difficultés sont de plusieurs natures. Les nommer toutes serait fastidieux et assommant à lire 😊
Si je devais en citer 3, ce seraient celles-ci :
- Tout d’abord, une Supply Chain globale « empiète » sur de nombreux services (commerce, production, finance). Par conséquent, la mise en place d’un tel service entraîne fatalement un jeu de pouvoir. La mise en place d’une Supply complète ne peut être que la conséquence d’une volonté forte et claire de la direction de l’entreprise. Et la réussite passe, au-delà des compétences métiers, par une obligation pédagogique, inter-département, permettant à tous d’adhérer au projet.
- Ensuite, la reconnaissance de ce métier est faible : « Quand quelque chose se passe mal, le responsable est bien souvent la Supply Chain. Mais en cas de réussite, c’est rarement la Supply Chain qui est félicitée. » Cela est perçu, consciemment ou non par la collectivité. Ce qui ne favorise pas les vocations et entraîne une pénurie de main d’œuvre à tous les niveaux. Plus de 80% des équipes que j’ai eu à gérer et à recruter ne provenaient pas d’un cursus logistique.
- Enfin, il s’agit d’un métier transverse, traitant à la fois des flux physiques et d’information pour lesquels vous devez faire appel à des profils très différents, devant tous travailler en harmonie à l’obtention de la satisfaction du client. Il faut par conséquent être un véritable chef d’orchestre afin que la symphonie ne vire pas à la cacophonie.
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si tu devais convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain ou d’y faire carrière : que leurs dirais-tu ?
Il existe beaucoup de bonnes raisons pour s’orienter vers les métiers de la Supply Chain. En premier lieu, il s’agit d’une discipline qui regroupe plusieurs dizaines de métiers. C’est par conséquent un secteur ouvert à tous (études courtes ou longues / travail administratif ou de terrain / …).
Ensuite, il s’agit d’un métier qui ne connait pas la crise. Plus la situation est difficile, plus la Supply Chain est importante.
De plus, il s’agit d’un métier fortement multi-sectoriel et donc peu sujet à des variations d’activité.
Enfin, il s’agit d’un métier en constante évolution qui est au cœur de la digitalisation des entreprises : ERP, EDI, WMS, TMS, APS… Bienvenue aux geeks 😊
Bref, entrer dans le monde de la Supply Chain, c’est entrer dans un monde doté d’une infinité de possibilités dans lequel il est envisageable de faire carrière sans aucune lassitude.
Merci d’avoir accepté de partager avec nous ta passion Yves !