Audrey Lafitte – Manager S&OP chez Carrefour se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Interview Passion Supply Chain
Audrey, on aimerait en savoir un peu plus sur vous…
Originaire de Bordeaux, j’ai déménagé à Toulouse pour suivre une formation d’ingénieur en agronomie et agroalimentaire, et par la suite une spécialisation dans la Supply Chain.
En dehors de ma vie professionnelle, je suis aussi très active et déterminée. Le sport occupe une part importante de ma vie, que ce soit en faisant du running, des randonnées ou encore en salle. J’adore également voyager et découvrir de nouvelles cultures. Et j’apprécie aussi énormément les nombreuses activités culturelles et de loisirs qu’offre Paris, comme le théâtre, les expositions, les concerts et les matchs.
J’aime constamment me challenger et apprendre de nouvelles choses. Récemment, j’ai suivi plusieurs formations de secourisme et j’ai rejoint la Protection Civile de Paris Seine à l’antenne de Nanterre. J’adore aider les gens, porter secours ou tout simplement leur apporter un soutien psychologique. C’est devenu une véritable passion pour moi, j’y consacre de plus en plus de temps.
Passer du temps avec mes proches est extrêmement important pour moi. J’aime les retrouver dès que possible et partager des moments avec eux.
Comment avez-vous géré la crise Covid de 2020 entre éloignement physique lié aux confinements et difficultés d’approvisionnement ?
À cette époque, j’étais en alternance chez le Groupe Pomona en tant que chef de projets Supply Chain.
Pomona est un acteur national de la distribution de produits alimentaires pour les professionnels de la restauration et des commerces de proximité.
Avec la fermeture soudaine des restaurants, l’activité des entrepôts a considérablement diminué.
Dans un geste solidaire, l’entreprise a fait des dons alimentaires, notamment pour soutenir les hôpitaux et éviter le gaspillage.
Quant aux projets logistiques, ils ont été momentanément suspendus. J’ai été mise en chômage partiel durant la période de confinement. Pour maintenir le lien avec l’équipe, nous organisions un appel en visio chaque semaine afin de partager des infos et prendre des nouvelles les uns des autres.
Chacun parlait de ses nouvelles occupations qui étaient parfois très drôles. Les confinements en appartement, c’était quand même quelque chose ! Donc c’était un peu notre séance hebdo de thérapie collective 🙂
J’ai profité de cette période de chômage partiel pour rédiger mon mémoire sur la problématique de la casse et du gaspillage alimentaire, ainsi que les solutions envisageables. J’ai alors pu contacter divers employés travaillant dans les entrepôts. Cela m’a permis de réaliser de nombreuses interviews et ainsi, de recueillir une grande quantité de données et de témoignages.
En tant que Manager S&OP, comment appréhendez-vous ce processus stratégique et pensez-vous que les entreprises devraient repenser leurs stratégies de chaîne d’approvisionnement ?
Absolument essentiel !
Le S&OP (Sales & Operations Planning) ou PIC en français (Plan Industriel et Commercial) est un processus collaboratif mensuel en 5 étapes qui confère à la direction la capacité de guider stratégiquement ses activités en établissant des plans tactiques à moyen et long termes. Une des étapes consiste à déterminer ce que nos clients vont acheter et en quelle quantité, soit la demande client.
Cette prévision est ensuite traduite en besoin d’approvisionnement en fonction des contraintes internes (logistiques, politique de stock, etc.) et des capacités de production des fournisseurs. L’objectif est de pouvoir anticiper et sécuriser les ventes dans le but d’améliorer le taux de service et donc la satisfaction client.
C’est aussi le principe de la méthodologie du DDMRP (Demand Driven Material Requirement Planning) adaptée au monde VUCA (Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu) et à la complexité du marché dans lequel nous évoluons. Cette approche vise à déclencher un flux de production ou de distribution en fonction de la demande réelle. Elle permet ainsi de réagir en temps réel aux imprévus et d’anticiper les besoins en planifiant les achats, la gestion des stocks et les ressources nécessaires.
Cependant, la demande client évolue sans cesse, d’où la nécessité d’adapter et de revoir en permanence sa stratégie d’approvisionnement.
Aujourd’hui, la Supply Chain doit être agile, flexible et résiliente pour faire face à ces changements perpétuels.
Audrey, quel métier vous faisait rêver lorsque vous étiez enfant ?
Quand j’étais enfant, mon rêve était de devenir chercheur en biologie. J’avais une collection de microscopes. Je passais mon temps à explorer et à expérimenter toutes sortes de choses.
Dès le plus jeune âge j’étais passionnée par de nombreux sujets. Pourtant, il m’a fallu un certain temps pour trouver ma voie. Cela s’explique en partie par le fait que je ne connaissais pas le domaine de la Supply Chain, domaine que j’ai d’ailleurs connu tardivement !
Il faut dire que la Supply Chain n’était pas reconnue comme elle l’est aujourd’hui. Elle occupait une place moins « centrale » dans les stratégies des entreprises. Mais les choses ont bien changé.
Aujourd’hui, la Supply Chain joue un rôle crucial dans l’organisation et la stratégie même des entreprises. Elle est devenue un pilier incontournable de leur fonctionnement.
Une personne change en moyenne 6 fois de carrière au cours de sa vie, quel sera votre futur emploi ?
Actuellement, je n’envisage pas de changer de carrière.
Le domaine de la Supply Chain offre une multitude de possibilités et de métiers divers.
Personnellement, je suis animée par le pilotage et la stratégie des stocks, ainsi que par la gestion des fournisseurs. En effet, nous apprenons énormément de nos fournisseurs. De nos jours, une collaboration étroite avec eux est indispensable pour élaborer une stratégie d’approvisionnement optimale. J’aspire néanmoins à me diriger un jour vers la production industrielle.
Parlez-nous de votre parcours et de vos expériences professionnelles ?
J’ai obtenu mon diplôme de l’École d’Ingénieurs de PURPAN, avec une spécialisation en agronomie, agroalimentaire, Sciences du Vivant et en gestion d’entreprises.
Mes expériences comprennent des stages en entreprise et en exploitations agricoles en France et à l’étranger. Ces derniers m’ont permis de me familiariser avec le secteur agricole et agroalimentaire.
Par la suite, j’ai effectué un mastère spécialisé en Supply Chain logistique industrielle, l’ISLI à KEDGE Business School, en alternance chez le Groupe Pomona. Mon travail portait sur le déploiement d’un système de gestion d’entrepôt WMS dans trois entrepôts logistiques. Cette expérience m’a donné une bonne compréhension des opérations et des processus logistiques.
À la fin de mon alternance, j’ai rejoint l’entreprise Saint-Gobain dans le domaine de la distribution en tant que Pilote de Flux chez Cédéo. Cette entreprise est spécialisée dans la distribution de produits sanitaires, chauffage et plomberie pour les professionnels installateurs.
J’assurais le suivi d’un périmètre opérationnel de fournisseurs sur le marché de la plomberie, avec un fort aspect d’études et d’analyse sur la gestion des flux et des stocks. Mon objectif principal était d’optimiser la Supply Chain en termes de coûts, qualité et de disponibilité des produits mais aussi de piloter la gestion des stocks (via le paramétrage des différents systèmes d’information et de l’outil APS). Je travaillais en étroite collaboration avec l’offre, les chefs de marché, les bases logistiques et les fournisseurs.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et quelles sont vos responsabilités ?
Actuellement, je travaille chez Carrefour, qui met en place une Supply Chain centralisée pour les produits de la Marque Distributeurs dans 6 pays européens.
Mon rôle principal est de participer à l’implémentation et au déploiement d’un processus S&OP au cœur de cette nouvelle Supply Chain et plus particulièrement, sur la partie Supply Planning.
L’objectif est de mettre en place un plan d’approvisionnement basé sur une demande non contrainte et sur les stocks réels. Il s’agit d’optimiser la performance des catégories de produits et d’anticiper les risques à moyen/long terme en étroite collaboration avec les achats, le marketing, la finance et les fournisseurs.
Quel a été le déclic, la rencontre ou encore l’expérience qui vous a amenée à vous intéresser à la Supply Chain ?
Pendant mon cursus d’ingénieur, j’ai eu un véritable enthousiasme lors d’un cours de gestion de production.
J’ai alors pris rendez-vous avec le responsable des ressources humaines de mon école d’ingénieurs, qui m’a parlé de la Supply Chain. N’étant pas familière avec ce domaine, j’ai entrepris de lire des livres et des articles sur le sujet.
À ce moment-là, j’étais en quatrième année d’école d’ingénieurs et ma connaissance de la Supply Chain se limitait à mes propres recherches.
J’ai alors décidé de réaliser mon stage de fin d’études chez Cémoi dans le service « Demand Planning » sur le périmètre des chocolats saisonniers.
Malgré les avertissements sur les risques de faire mon stage de fin d’études dans un domaine inconnu, et sachant que ces stages sont déterminants pour nos premières recherches d’emploi, j’ai tout de même pris le risque.
Par chance, l’entreprise venait tout juste de déployer son processus S&OP, un sujet passionnant !
À la fin de ce stage et après l’obtention de mon diplôme, j’ai réalisé que je manquais de bases et d’expérience pour débuter ma carrière en Supply Chain. C’est alors que j’ai entendu parler de l’ISLI, un mastère spécialisé en Supply Chain proposé en alternance, le complément parfait qui me manquait 🙂
Quels sont les livres qui vous ont guidés dans le domaine de la Supply Chain ?
Il y a un livre qui m’a particulièrement marqué. C’est « Le But – Un processus de progrès permanent » d’Eliyahu Goldratt.
Bien qu’il ne soit pas exclusivement axé sur la Supply Chain, il explore l’amélioration continue dans le contexte industriel.
L’ouvrage présente de nombreux concepts fascinants qui trouvent des échos dans la Supply Chain, tels que la théorie des contraintes, le lean manufacturing, ou encore la gestion des ressources (qu’elles soient des goulots ou non).
J’ai particulièrement apprécié le format romanesque de ce livre. Il met en scène un personnage confronté à un ultimatum périlleux : trois mois pour éviter la fermeture de son usine à la suite de retards et de pertes financières. Le protagoniste est également aux prises avec des problèmes plus personnels, ce qui nous permet de nous identifier à lui.
C’est un ouvrage qui aborde facilement la démarche d’amélioration continue. Il offre aussi une initiation accessible à la théorie des contraintes.
Un film inspirant ?
J’ai bien aimé « Le Fondateur » : le film sur l’histoire des premiers McDonald. Et plus précisément, l’histoire de Ray Kroc qui a développé et franchisés les restaurants.
Certes, ce film a un côté un peu tragique notamment pour les frères Mc Donald, mais il montre l’importance de l’entreprenariat et du « ne rien lâcher ».
J’aime beaucoup le concept de l’intrapreneuriat ! On peut toujours être entrepreneur même au sein d’une entreprise ou d’une organisation en portant par exemple un nouveau projet. C’est essentiel d’avoir l’esprit ouvert et novateur en permanence.
Vous avez des expériences en industries de l’agroalimentaire, en distribution : ces différentes missions vous ont-elles apporté un angle de vue particulier ?
Absolument ! Même si mon domaine de spécialisation est l’agroalimentaire, j’ai jugé essentiel d’explorer un autre secteur d’activité.
L’agroalimentaire exige une excellence à tous égards : service et expérience client, qualité, coût et offre en magasin.
Nous sommes constamment tenus de nous adapter aux besoins et aux attentes des consommateurs. Que ce soit en termes de prix – surtout aujourd’hui avec l’inflation – d’offre produits (produits locaux, diversité et qualité de produits) ou encore en matière de responsabilité sociétale des entreprises (développement du vrac, emballages respectueux de l’environnement, lutte contre le gaspillage alimentaire), etc.
Dans le secteur du bâtiment, nous avons été confrontés à des problématiques différentes.
Par exemple, la logistique de transport de baignoires ou de chauffe-eaux (produits lourds et fragiles) n’est pas du tout comparable à celle des petits articles tels que les raccords de plomberie. Ces derniers peuvent en outre, être perdus ou volés facilement. La livraison de plus de 30 000 produits avec une promesse de J+1 exige une agilité extrême. C’est une véritable complexité à gérer !
Finalement, chaque secteur a ses spécificités et nous amène à faire face à diverses problématiques.
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer votre métier ?
Je dirais que les 3 qualités essentielles sont l’adaptation, l’esprit analytique et le travail d’équipe !
Il est crucial de pouvoir se relever rapidement des difficultés, et d’apprendre de nos erreurs collectivement afin de ne pas les réitérer.
Dans la Supply Chain, il est également primordial d’apprécier les défis, car les parties prenantes sont multiples et les objectifs parfois contradictoires.
Il est nécessaire de faire preuve d’écoute, de patience et d’avoir un esprit analytique pour examiner toutes les possibilités et optimiser les processus.
En définitive selon moi, la Supply Chain demande davantage de « savoir-être » que de compétences techniques.
Si vous pouviez décrire votre métier en une image ?
J’apprécie l’analogie de la Supply Chain avec une équation à plusieurs inconnues !
Notre objectif constant est d’optimiser divers flux, qu’ils soient physiques, informatiques, financiers ou humains.
La Supply Chain c’est un peu un art qui requiert la capacité à trouver un équilibre optimal entre les niveaux de service, les coûts et le cash.
Cependant, nous faisons fréquemment face à des contraintes qu’il faut prendre en considération pour parvenir à la meilleure optimisation possible.
Ces contraintes peuvent être prévisibles dans certains cas. Mais dans d’autres, des événements soudains et imprévus surviennent. Malgré cela, nous devons jongler et résoudre en permanence des situations qui tiennent compte de différentes contraintes. C’est un peu comme résoudre une équation avec plusieurs inconnues.
Quelles sont les difficultés liées à la nature de votre métier ?
Travailler dans un environnement tel que Carrefour avec une présence dans plus de 30 pays, offre des opportunités passionnantes ainsi que des défis structurants : la masse de données et l’hétérogénéité des processus sont des forts enjeux dans mon métier. L’agilité est donc essentielle.
La mise en place d’une Supply Chain centralisée, associée à un processus S&OP, sera une véritable force pour l’entreprise. Elle permettra de prendre le recul nécessaire pour apporter de la croissance sur le moyen long terme et faciliter le quotidien opérationnel.
Son objectif principal est de lancer une dynamique de collaboration européenne au sein de l’entreprise et de promouvoir une planification des besoins à moyen et long terme. Cela nous permettra d’anticiper plus efficacement les besoins de nos clients ainsi que les défis à venir.
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si vous deviez convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs diriez-vous ?
La Supply Chain suscite un vif intérêt et le marché de l’emploi offre de plus en plus d’opportunités. Même à l’échelle internationale.
Ce domaine est passionnant. Il offre une multitude de métiers : approvisionneur, affréteur, demand planner, supply planner, pilote de Flux, supply chain manager, manager S&OP, chef de projets logistique / lean, responsable exploitation… etc.
Au cœur de la Supply Chain, nous collaborons avec une variété de services : du marketing à l’offre, des achats aux opérations, de la finance au pricing, en passant par le commerce. Cette diversité permet d’avoir une vision globale des activités de l’entreprise, ce qui rend le travail particulièrement stimulant.
De plus, les concepts fondamentaux de la Supply Chain sont accessibles et logiques.
Le principal objectif consiste à privilégier l’expérience et la satisfaction client : livrer le bon produit au bon endroit, au bon moment et en bonne quantité.
Ces principes bien qu’essentiels, ne sont pas difficiles à comprendre. Mais leur mise en pratique peut être un véritable « casse-tête ». C’est cette complexité qui rend le domaine si passionnant et stimulant.
Une chose est certaine : dans la Supply Chain, l’ennui n’a pas sa place !
Merci d’avoir participé à l’interview Passion Supply Chain Audrey !
À propos du groupe Carrefour
Carrefour est un groupe français, acteur majeur de la distribution dans le monde. Nos principaux atouts ? Au plus près de nos clients dans les pays et territoires, nos formats et canaux de distribution s’adaptent en permanence aux besoins de ceux-ci. Nous employons plus de 321 000 collaborateurs dans le monde. Avec un chiffre d’affaires de près de 80,7 milliards d’euros en 2019, dont plus de la moitié hors de France, Carrefour compte aujourd’hui 12 225 magasins répartis dans plus de 30 pays.
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