Benoit Roullet, Directeur maintenance et logistique globale du RIMAP-NC au sein de l’Armée de Terre se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Son expérience internationale unique au sein de l’armée où la Supply Chain est un facteur clef de l’organisation nous est dévoilé.
Benoit nous laisse entrevoir les challenges, les opportunités et l’univers de la Supply Chain militaire.
Interview Passion Supply Chain
Benoit, on aimerait en savoir un peu plus sur toi, et ton poste actuel de Directeur maintenance et logistique globale pour l’Armée de TerreJ’ai 39 ans je suis marié et père de 2 enfants. L’essentiel de ma carrière a été effectué au sein du ministère des Armées à l’issue d’un cursus universitaire tourné vers la production mécanique.
J’ai commencé dans des emplois de manager très opérationnel avant de me tourner vers la spécialité logistique qui, en terme de vocable au sein des armées s’apparente à la supply chain civile.
En effet, la logistique militaire regroupe :
- le transport,
- l’entreposage et le suivi des ressources,
- la partie budgétaire et achat,
- les opérations de transit et douane ,
- et même la partie administration et médicale !
Au cours de ma carrière, j’ai pu occuper des postes de Directeur d’unité logistique, de Directeur logistique et pour finir actuellement de Directeur maintenance et logistique. C’est un poste de Directeur supply chain avec en plus la partie production industrielle au sein d’ateliers de maintenance. C’est un poste très large et très complet qui gère la supply chain amont et aval, depuis la métropole et dans un milieu insulaire, qui démultiplie les opérations de transit. Ce poste, je l’occupe en Nouvelle-Calédonie.
C’est ma deuxième expérience d’expatriation avec ma famille après une première expérience en Afrique à Djibouti.
Comment as-tu vécu ces 1ers mois de confinement en 2020 ?
Paradoxalement, si le COVID a frappé de plein fouet l’économie mondiale, en Nouvelle-Calédonie nous sommes restés très longtemps « COVID free » sans contraintes de circulation sur l’île. En revanche, pour conserver ce statut dès les prémices de la pandémie, les frontières de l’île se sont fermées. Cela a donc été un véritable challenge pour maintenir les flux logistiques dans ces conditions. D’autant plus que tous les 4 mois, nous renouvelons notre personnel à hauteur de 300 collaborateurs !
Quelles sont les perspectives en termes de Supply Chain de l’Armée de Terre ?
Comme la supply chain civile, les perspectives sont très intéressantes et les challenges nombreux. C’est un outil stratégique de supériorité qui, avec l’augmentation des flux et de leur rapidité, devient de plus en plus performant tant au niveau opérationnel que financier.
D’abord, la supply chain de l’armée de terre se doit par nature d’être résiliente et nous disposons d’une véritable expertise dans ce domaine qui nous a particulièrement servi pendant le COVID.
Par ailleurs, elle poursuit sa numérisation pour augmenter sa performance et son agilité avec des logiciels de gestion : TMS, WMS etc. et le traitement de la donnée. Ce sont de gros projets structurants car il y a des aspects de continuité avec nos opérations et de confidentialité de cette donnée évidemment.
Enfin, les apports des nouvelles technologies sont autant de projets qui viennent démultiplier la performance tels que l’impression 3D qui permet de réduire les temps d’approvisionnement et les types de références à stocker en entrepôt.
Benoit, quel métier te faisait rêver lorsque tu étais enfant ?
Je voulais être militaire ce que j’ai réussi. La passion pour la supply chain est venue plus tard lors de ma découverte de la logistique militaire.
Parle-nous de ton parcours et de tes expériences professionnelles ?
Mon parcours est assez classique. Après un DUT et une licence de production mécanique, j’ai intégré une école d’officier de l’Armée de terre pour apprendre mon futur métier de cadre au sein du ministère des Armées.
Ma première expérience a été le commandement d’une section de 40 collaborateurs à 23 ans et cela pendant 5 ans. J’ai eu l’occasion d’être déployé avec mes équipes en république de Côte d’Ivoire (RCI), en Afghanistan et au Liban.
Par la suite, je me suis orienté sur des postes logistiques en tant qu’Adjoint d’unité puis Chef d’unité. J’ai vécu ma première expatriation en Afrique pendant 2 ans avant de me spécialiser dans la supply chain et d’occuper des postes de portée moins opérationnelle et plus stratégique.
J’ai eu l’occasion de prendre les fonctions de Directeur logistique opérationnelle d’une brigade qui regroupe 10 formations. Cela m’a permis de découvrir la planification transverse sur des processus de type S&OP avec la partie opération et prévision.
Pendant cette période, j’ai aussi pu repartir au Liban inséré dans la partie civile de l’opération de l’ONU où je menais des audits logistiques sur les différents contingents déployés. Cette expérience dans une organisation internationale a été aussi très enrichissante. Pendant cette période de 6 mois, j’ai préparé et présenté un Master de Management des Achats et de la Supply Chain, que j’ai obtenu.
Enfin, j’occupe actuellement le poste de Directeur maintenance et logistique qui m’apporte la plénitude d’une direction supply chain (planification, douanes, transit, stockage, transport, gestion de flotte et achats) aux confins du monde, à plus de 17000 km de la métropole. Ce poste est d’autant plus enrichissant. En effet, en plus de la supply chain, je pilote aussi des ateliers de production mécanique.
Quel a été le déclic ou l’expérience qui t’a amené à t’intéresser à la Supply Chain ?
À l’époque où j’ai été affecté dans une unité de logistique, fin des années 2000, j’ai découvert la logistique militaire qui n’avait pas encore pris le « train » des évolutions techniques et technologiques portées par le monde civil. Il y avait beaucoup à faire et j’étais convaincu que cette fonction était stratégique.
Poussée par la supply chain civile et sa performance, la décennie passée a vu se transformer la logistique pour rentrer de plain-pied dans le 21e siècle.
Ton plus gros challenge ?
Transformer et rendre plus performante la supply chain, ici dans le Pacifique.
Quel est ton meilleur souvenir ?
J’en ai beaucoup mais je garde plutôt des souvenirs de camaraderie en opération au début de ma carrière. C’était des expériences de management humain très fort !
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer ton métier ?
- Premièrement, il faut comprendre comment les autres services fonctionnent et de quoi ils ont besoin : la supply est à leur service. C’est primordial et donc, il faut être curieux
- Deuxième qualité, c’est la capacité de planification de voir à long terme et de planifier les échéances et cela, en réajustant en permanence, en fonction de contraintes extérieures
- Troisième qualité, c’est la capacité d’adaptation. La supply chain doit être résiliente et si l’on doit planifier à long terme l’on doit s’adapter à court terme. Et pour cela, il faut une certaine agilité pour prendre des décisions pragmatiques et pouvant être mis en œuvre
- Enfin la dernière, c’est la capacité de convaincre. Que ce soit ses chefs mais aussi ses collaborateurs. Il faut que l’objectif et la route pour y arriver soient clairs et compris par tous. Nos organisations sont en perpétuelles transformations et c’est primordial de pouvoir convaincre pour se transformer.
Si tu pouvais décrire ton métier en une image ?
J’aime bien l’image du canard en coupe sur l’eau. S’il parait très calme à la surface et bien sous l’eau, il s’agite pour avancer.Le côté calme, c’est voir loin et planifier. Le coté agité, c’est savoir s’adapter en permanence et avancer pour atteindre les objectifs.
Quelles sont les difficultés liées à la nature de ton métier ?
La principale difficulté est d’avoir en permanence une approche transverse tant dans le partage d’information que dans le recueil de celui-ci. Et cela dans des temps retreints pour prendre la meilleure décision.
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si tu devais convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs dirais-tu ?
Je leur dirais effectivement que la Supply Chain est passionnante car :
- L’approche transverse par nature permet d’avoir une vision haute de l’entreprise et de comprendre les enjeux financiers, matériels, humains et organisationnels,
- Les nouvelles technologies lui apportent un second souffle qui en font une fonction à la pointe des innovations et des changements : il n’y a pas un plan stratégique aujourd’hui qui ne parle pas de la supply chain,
- Il reste encore beaucoup à faire et donc chacun peut apporter sa pierre à l’édifice.
Merci Benoit d’avoir participé à l’interview Passion Supply Chain.
A propos du RIMAP-NC Armée de Terre
L’Armée de Terre, ce sont 130 000 hommes et femmes qui exercent un seul métier, celui de soldat, parmi plus de 100 spécialités : mécanicien aéronautique, artilleur, chef de char, développeur informatique, chef de patrouille, secrétaire, analyste, spécialiste cybersécurité, chef de chantier, assistant contrôleur financier… Ils sont 20 000 soldats déployés en permanence en opération à l’étranger ou en France.
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