Diego MOMBELLI, Group Supply Chain Director VP/Directeur des Opérations de Sourcing se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Interview Passion Supply Chain
Diego, on aimerait en savoir un peu plus sur toi…
Les relations, et tout ce qui est lié à l’aspect social et humain sont des richesses qui me tiennent à cœur, tant dans le domaine professionnel que personnel. J’apprécie beaucoup rencontrer des nouvelles personnes et créer des liens.
J’aime aussi être au service, parfois par un conseil, ou me rendre disponible, ou être à l’écoute, ou pour partager mon expérience, voire d’outils. Je constate que je reçois en retour la même chose des personnes que j’ai connues, sans l’attendre pour autant.
J’ai eu la chance de rencontrer une multitude de personnes à travers mes diverses missions, dans tous les continents. En effet, j’ai passé 28 ans en Argentine, en France… bientôt 2 décennies, et quelques années en Suisse et en Angleterre.
Quand aux États-Unis, en Chine, en Afrique et Latam, j’y ai aussi effectué plusieurs missions.
Comment as-tu vécu les 1ers mois de confinement en 2020, éloigné physiquement de tes clients et de tes équipes ?
« Cette période a été un défi important ! Mais des défis, il y en a toujours, surtout dans la Supply Chain. »
Pour être sincère, avec un peu de recul, j’y vois cependant beaucoup plus de positif que de négatif.
Tout d’abord, nous avons accélérés la collaboration transversale, grâce à la normalisation des outils de réunion comme MS Teams/Google teams/Zoom… Cela nous a permis de mieux nous connecter, même si les réunions en présentiel restaient toujours essentielles.
Nous avons aussi constaté que plus de la moitié de nos équipes avaient apprécié le télétravail. Et ce, une fois passée l’étape d’organisation dans leur habitation, bien entendu.
Comment analyses-tu l’activité Supply Chain depuis l’épidémie covid et la guerre ?
L’aspect évident pour tout le monde, c’est l’accélération du digital. Même pour les petits commerçants comme les bars et la restauration, la différence s’est jouée avec l’agilité et la capacité à vite mettre en place de nouveaux systèmes digitaux pour maintenir ou booster leur activité.
Concernant le business d’Asmodée, tout comme dans certains secteurs, le covid a boosté les ventes. C’est une très bonne chose mais, en même temps, cette crise a créé de nouveaux défis pour un sourcing déjà très tendu (sachant que dans notre activité, la fabrication vient souvent de la Chine).
« Mais comme le rappelle le Yin-Yang : il y aura toujours du blanc sur le côté noir. »
La solution pour nous, c’est le multisourcing, soit développer des sources alternatives en Europe et aux États-Unis. Et ce, tout en investissant dans les outils et les processus de visibilité, en amont de la supply chain.
Si l’on peut dire que le covid est presque fini, la guerre elle, est toujours présente. Les augmentations des coûts sont toujours difficiles à prévoir, d’autant plus que c’est la période du budget 2023.
Même si le tarif d’un container de Chine vers l’Europe est en train de revenir à des valeurs proches de l’année 2019, les augmentations des salaires, des matières premières et de l’énergie restent moins prévisibles.
Tu as récemment évoqué l’accélération du développement Supply Chain dans les ETI : peux-tu nous partager quelques pistes ?
Au cours des 10 dernières années, je me suis intéressé au développement de la Supply Chain de petites multinationales. Dans ces sociétés, le besoin d’accélération est clair et nécessaire, et il s’explique par le décalage de maturité de la fonction.
Cette maturité est très différente pour chaque ETI. Parfois, elles ont besoin d’outils, de nouveaux processus ou encore, d’avoir la bonne organisation avec des ressources pertinentes.
Pour vous donner des exemples, j’ai travaillé pour deux petites multinationales qui ont décidé de créer une nouvelle organisation de leur Supply Chain globale.
Leur objectif ? Être plus performantes et résilientes. Même si ces ETI sont des leaders mondiaux dans leurs domaines (Colart pour les fournitures d’artistes et Asmodée pour les jeux de sociétés), leur niveau de maturité était près de 50–60%.
La bonne nouvelle, c’est que ces 2 sociétés étaient conscientes du gap. Si bien, qu’à un moment donné, elles ont investi dans la fonction Supply Chain.
Mon rôle dans ce contexte-là a été d’accélérer le développement et de rattraper le retard, pour passer à un nouveau degré de maturité.
Pour conclure, je me suis rendu compte ces dernières années que le développement de la Supply Chain est tout autant nécessaire et bénéfique pour les collaborateurs de la fonction, que pour les autres services.
Pour exemple, une Supply Chain informée et performante est le parfait partenaire du marketing et du commerce car elle vient renforcer la marque et la différencier. En effet, la gestion des flux a un impact direct sur la promesse faite au client final : le taux de satisfaction.
Nous devons donc être plus généreux. Nous devons expliquer la complexité d’une Supply Chain end to end qui doit connecter des flux informatiques et physiques, des processus et des communications entre collaborateurs.
De cette façon, le bénéfice est plus grand, car les fonctions deviennent des alliés.
En outre, améliorer la collaboration et la performance des fonctions affecte aussi positivement la réduction des coûts.
Diego, quel métier te faisait rêver lorsque tu étais enfant ?
Quand j’étais enfant, je voulais être un DJ reconnu tout comme David Guetta aujourd’hui.
Mais mon rêve aujourd’hui est que les modes de consommation soient plus cohérents avec les ressources que nous avons sur la planète. Nous avons encore beaucoup de stocks qui finissent à la poubelle, avec le gaspillage de ressources et d’énergie qui vont avec.
Je suis optimiste par nature et je pense que le mode de consommation peut changer avec les nouvelles générations et l’appréhension de nouvelles valeurs.
Tout cela peut se faire sans la suppression de postes.
Par exemple, la fonction Supply Chain nécessite aujourd’hui des ressources pour mettre en place des outils plus intelligents et mieux connectés. Ces outils servent aussi à faire des économies (avec des délais d’approvisionnement plus courts et des stocks plus modestes) et aussi, à approvisionner les produits d’une façon plus écologique et durable.
L’économie est déjà en train de rattraper le retard et nous voyons déjà du progrès.
C’est le cas dans les acheminements des produits avec des camions à hydrogène, ou encore l’augmentation d’outils informatiques pour optimiser la visibilité des flux. La mutualisation du stockage ou du transport tout comme l’économie circulaire avec plus de recyclage sont quelques initiatives qui vont fonder les nouvelles valeurs de la Supply Chain des années à venir.
Parle-nous de ton parcours et de tes expériences professionnelles ?
Je viens d’une famille humble et aux moyens modestes. Ma chance, c’est que ma famille a décidé de tout investir sur l’éducation de ces enfants. Ainsi jusqu’à mes 17 ans, j’ai pu étudier dans une école bilingue anglaise en Argentine. Par la suite, j’ai intégré une école d’ingénieur à Buenos Aires et après 6 ans d’études, j’ai fait un MBA à Paris.
Concernant mon parcours professionnel, j’ai toujours été dans la Supply Chain.
J’ai travaillé 6 ans dans le retail en Argentine, 10 ans pour Nestlé en Europe et près de 10 années pour les deux ETI en France (que j’ai détaillées plus haut).
Je remercie d’ailleurs Nestlé qui m’a offert l’opportunité de travailler sur diverses missions et d’être formé en même temps.
Je pense que ce n’est pas par hasard si je suis depuis plus de 25 ans dans la fonction. J’ai développé une passion pour la connaissance des diverses activités de la Supply Chain :
- les achats et le sourcing des prestations,
- la planification,
- la logistique et le service client,
- la qualité et la RSE,
- et enfin, la gestion des projets de transformation.
Quel a été le déclic ou l’expérience qui t’a amené à t’intéresser à la Supply Chain ?
Je ne vois pas un simple déclic dans mon passé, mais plutôt un intérêt qui a grandi au fur et à mesure pour la Supply Chain. Mieux je la connais, plus elle me plait.
Pour revenir à la source et à ce que j’aime, je pense que ma passion pour les relations et l’aspect social/humain a un fort lien avec ma longue carrière dans la Supply Chain.
L’aspect transversal est un aspect majeur de la Supply Chain.
Ton plus gros challenge ?
J’ai vécu une grande crise lorsque j’étais responsable de la logistique sur un site de production de Purina en Angleterre. Une grosse machine de cuisson de viande était cassée et une grande partie de la production était à l’arrêt.
Nous avons immédiatement mis en place une cellule de crise. Le remplacement de la machine s’est déroulé en 6 semaines et ainsi, les impacts des ruptures ont été largement minimisés.
Ce type de crise nous apprend qu’il faut aussi investir du temps pour développer la résilience et mieux gérer les risques dans la Supply Chain. De la même façon que nous passons beaucoup de temps pour améliorer les KPIs de la performance (service, qualité, coût).
Quel est ton meilleur souvenir ?
J’ai des très bons souvenirs avec mes collègues de Nestlé Waters. Nous travaillions à l’époque sur des projets d’améliorations de la logistique avec un scope mondial.
C’est là où j’ai rencontré de nouveaux collègues et mieux compris les différences entre les cultures européennes, américaines ou asiatiques.
En outre, les sites de production et logistiques sont souvent éloignés des grandes villes. C’est là que l’on découvre la vraie culture d’un pays.
« Entrer dans un Western bar au Texas, découvrir une ville de campagne en Pologne, partager des repas traditionnels en Chine ou en Arabie Saoudite… C’est tout aussi passionnant que d’exercer son métier ! »
À ce propos, quelles sont les qualités essentielles pour exercer ton métier ?
« Tout commence par le client ! » et « Il n’y a pas de stratégie Supply Chain si nous n’avons pas défini les objectifs du business. »
Savoir écouter est important car notre travail est de bien comprendre les problèmes pour bien les résoudre. « Il faut éviter d’aller très vite dans la mauvaise direction. »
La capacité à relever les divers défis est important. Même si on commet des fautes sur le chemin, nous ne devons pas avoir peur. Au contraire, il nous faut capitaliser tout type d’expérience.
L’agilité est plus importante que jamais dans le monde d’aujourd’hui. Il faut savoir se relever très vite et apprendre de nos erreurs pour ne pas les répéter.
Dans ce contexte, le relationnel et plus largement tout ce qui est lié aux compétences « soft skills », est très important. Et je dirais, plus important que des compétences techniques qui peuvent toujours s’apprendre d’une façon plus systématique.
Pour finir, je pense qu’il est important d’être humble et d’être ouvert pour continuer à apprendre. C’est comme ça que nous avons le plus de chances pour trouver des solutions.
Si tu pouvais décrire ton métier en une image ?
Un chef d’orchestre !
Quelles sont les difficultés liées à la nature de ton métier ?
La fonction Supply Chain est un métier complexe. Nous avons souvent des situations où nous sommes appelés à gérer le stress.
Je pense que nous avons encore des professionnels dans la Supply Chain qui sont relativement mal payés. Et parfois, il est difficile de les motiver.
Pour pallier ces difficultés nous devons identifier les sources de motivation qui sont différentes pour chaque individu. Est-ce que le collègue est de passage ? Est-ce qu’elle/il veut faire carrière, ou encore, devons- nous l’aider à trouver un autre poste ?
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si tu devais convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs dirais-tu ?
Quand je parle avec les étudiants, je leur dis que dans la Supply Chain, il est difficile de s’ennuyer. C’est une expérience stimulante et en changement permanent.
Il n’y a pas de risque « de se planter » car la Supply Chain touche à toutes les autres fonctions de l’entreprise.
En outre, toute expérience Supply Chain pourra être capitalisée sur un CV. Que l’on y fasse carrière ou que l’on soit de passage dans la fonction.
La Supply Chain est un métier où l’on trouve du sens et du concret dans notre travail. L’on voit clairement la valeur ajoutée dans nos missions. C’est valorisant de montrer comment nous aidons à acheminer dans les temps, un produit vers le consommateur final. Même pour des produits moins sexy. Mettons comme exemple un papier toilette, nous sommes toujours fiers d’être là pour résoudre les problèmes et rendre service.
Par ailleurs avec la globalisation, la Supply Chain est une opportunité formidable pour faire une carrière internationale. Sans oublier la chance d’apprendre à connaitre de nouvelles cultures.
« Vous l’aurez compris, j’adore mon métier ! »
Merci d’avoir accepté de partager avec nous et avec générosité ta passion Diego !
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