Matthieu Duncombe, Supply Chain Manager chez PERSÁN se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Interview Passion Supply Chain
Matthieu, on aimerait en savoir un peu plus sur vous, et votre poste de Supply Chain Manager chez PERSÁN…
J’ai 44 ans, deux adorables filles de 4 et 9 ans, et la chance d’avoir ma compagne Stéphanie à mes côtés depuis plus de 13 ans. Je suis de nature curieuse, j’aime comprendre comment les choses fonctionnent et quand elles ne fonctionnent pas, pourquoi ?
J’apprécie d’apprendre de nouvelles compétences et les mettre en œuvre, que ce soit dans le milieu professionnel ou personnel.
En cela, le métier de Supply Chain Manager est parfait pour moi car il est loin d’être monotone et figé !
Comment avez-vous vécu les 1ers mois de confinement en 2020, éloigné physiquement de vos collègues, vos clients et de vos équipes ?
Et bien je dois dire que cela s’est bien passé.
Quasiment du jour au lendemain, mon équipe s’est retrouvée en télétravail. Nous avons mis en place deux points quotidiens par Teams pour s’assurer que l’information continuait à circuler correctement. Et que les priorités du jour étaient claires pour chacun, tout en prenant garde à ne pas perdre de vue le cap et les enjeux moyen/long terme.
Il y a bien entendu eu quelques tâtonnements au début, un vécu différent de la situation selon les sensibilités individuelles. Mais tout le monde a su s’adapter et l’activité s’est poursuivie sans difficultés majeures.
C’est d’autant plus remarquable que notre secteur d’activité – les détergents pour lave-vaisselle – a connu une hausse subite et continue d’activité sans précédent. En effet, beaucoup de consommateurs ont fait des stocks de précaution significatifs dès le premier confinement, et l’usage à domicile a été renforcé par la très longue fermeture des lieux de restauration collective.
Je salue aussi les équipes sur site (production, logistique, etc…) qui ont intégré les nouvelles contraintes liées à la distanciation sociale dans leur quotidien. Elles ont joué le jeu pour maintenir l’activité à un niveau très soutenu malgré un fort absentéisme pendant de longs mois.
Comment se porte la Supply Chain chez PERSÁN et quelles ont été les actions menées ces 3 dernières années en termes de performance de sa chaîne d’approvisionnement ?
Persan a fait l’acquisition début 2021 de l’usine de Saint-Vulbas qui appartenait à Unilever. Unilever reste le partenaire privilégié de Persan pour l’activité du site.
Par cette acquisition, Persan poursuit sa démarche de devenir un acteur mondial important sur ses marchés, avec l’ambition de devenir la multinationale la plus simple et efficace au monde.
Un enjeu majeur a été la phase de transition de 6 mois pendant laquelle toutes les fonctions se sont mobilisées pour se détacher complètement des outils et systèmes d’Unilever ainsi que de ses équipes centrales (achats, R&D…) œuvrant aussi pour le site, pour être complètement intégrés à Persan.
Par exemple, basculer du SAP Unilever au SAP Persan sur cette courte période de temps a été un défi relevé brillamment par les équipes, sans aucune interruption d’activité ni impact sur le service rendu à nos clients.
Les enjeux actuels sont bien sûr liés aux tensions fortes et persistantes sur les chaînes d’approvisionnement.
Les coûts matières explosent, des pénuries jamais vues auparavant surviennent, même sur des commodités : palettes bois, par exemple.
Et évidemment, s’ajoutent l’impact de la hausse du coût de l’énergie et de la situation géopolitique aux portes de l’Europe avec lesquels nous devons composer au quotidien et sans grande visibilité.
Matthieu, quel métier vous faisait rêver lorsque vous étiez enfant ?
Enfant, je voulais être « vendeur de limonade ». Peut-être suis-je passé à côté d’une vocation de patron de bar ?
Parlez-nous de votre parcours et de vos expériences professionnelles ?
Après mon école d’ingénieur chimiste à l’ENSIACET (anciennement ENSCT), j’ai fait le choix de poursuivre mon cursus par le DESS CAAE (dorénavant Master Management et Administration des Entreprises) à l’IAE d’Aix-en-Provence. En effet, je ne voulais pas embrasser une carrière scientifique.
En outre, à l’issue de l’école d’ingénieur, je ne me sentais pas assez armé pour appréhender le milieu de l’entreprise dans sa globalité et en saisir les enjeux.
Le DESS CAAE a parfaitement répondu à mes attentes puisqu’il couvrait un large spectre allant du marketing à la finance, en passant par la logistique, la stratégie d’entreprise, le droit, etc…
Après le stage de fin d’études, j’ai eu la chance qu’Unilever me fasse confiance pour rejoindre l’usine de Saint-Vulbas et devenir le bras droit du Responsable des Opérations. Ce poste m’a permis de découvrir la réalité du terrain de l’usine et de collaborer avec des personnes de tous les départements.
Après quelques riches années, j’ai souhaité me confronter aux enjeux en amont et en aval de l’usine. J’ai pu le faire en étant choisi pour prendre le poste de Responsable Supply Chain du site.
Les responsabilités liées étant auparavant rattachées au Responsable Administratif et Financier. Le poste de Responsable Supply Chain était une création. J’ai donc eu la chance de pouvoir le modeler selon ma vision, en restant bien entendu dans les standards et procédures Groupe.
Quel a été votre plus gros challenge ?
Savoir jongler entre l’opérationnel et le stratégique est un point d’attention fort. On peut très facilement se laisser happer par le quotidien qui réserve toujours son lot d’imprévus. Ou au contraire, perdre de vue les enjeux opérationnels et terrain si l’on ne se consacre qu’à des considérations de projets moyen ou long terme.
Il faut donc savoir trouver le bon équilibre et pouvoir s’appuyer sur ses équipes en sachant déléguer.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Plutôt que vous raconter un meilleur souvenir, car je n’en ai pas un en particulier, je vous dirais que les situations dans lesquelles j’ai préféré être ont souvent été les situations de crise.
Cela peut paraître à première vue masochiste… Mais dans ce genre de situation (crise d’approvisionnement importante, gros problème qualité, crise covid bien sûr…) tétanisante pour certains, j’aime aller au-delà des responsabilités de ma fonction et prendre un certain leadership pour mener les actions nécessaires collectivement.
En effet, l’expérience montre que c’est bien souvent par la collaboration serrée entre tous les services, tant locaux que centraux, et avec les partenaires extérieurs (fournisseurs, prestataires et clients) que les situations de crises sont gérées efficacement, rapidement et avec peu voire pas d’impact pour le business.
Contrairement aux équipes projet qui sont pilotées de manière structurée, avec des rôles et responsabilités définis à l’avance, dans une situation de crise on est par définition en mode réactif et dans l’urgence. Je m’y positionne assez naturellement comme chef d’orchestre des différentes fonctions impliquées dans la résolution.
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer votre métier ?
Il faut être à la fois capable d’aller dans le détail pour par exemple, identifier les causes racines d’un problème et les éradiquer une bonne fois pour toutes, et aussi garder la vue d’ensemble et toujours penser : « est-ce que ce que l’on fait va dans le sens de la réalisation des objectifs de l’entreprise ? »
Les priorités et objectifs individuels ou de son propre département doivent s’effacer quand c’est pour le bien de l’entreprise.
Il faut être curieux et humble : « on ne peut pas tout savoir ni tout maîtriser dans les différents domaines de la supply chain, et savoir s’appuyer sur les compétences et les forces des uns et des autres est très important, tout en s’assurant que la direction, les enjeux et les objectifs sont clairs et connus de tous. »
Il faut malgré tout acquérir une solide compréhension des tenants et aboutissants dans toutes les fonctions représentées dans la supply chain pour identifier ce qu’une petite modification en amont aura potentiellement comme impact significatif en aval, et l’anticiper correctement.
Enfin, les interlocuteurs étant multiples, leurs motivations et objectifs l’étant tout autant et parfois antagonistes, il faut aussi faire preuve d’écoute, d’empathie et d’esprit de synthèse pour prendre les bonnes décisions.
Si vous pouviez décrire votre métier en une image ?
Au-delà du côté structuré, garant des processus et standards, de leur application et de l’amélioration continue, il faut savoir être équilibriste avec les différentes parties prenantes, jongler entre les priorités tout en avançant sans arrêt.
Je trouve que cette image illustre plutôt bien cet aspect du métier.
Quelles sont les difficultés liées à la nature de votre métier ?
Il faut accepter que les priorités sont changeantes, sur des horizons de temps de plus en plus réduits, au gré du contexte économique, concurrentiel et des enjeux business parfois très court terme.
La priorité est en général mise sur le taux de service. Puis, en fin de mois ou trimestre, l’enjeu sur les stocks (la hantise des financiers) peut soudainement devenir la priorité absolue. Puis encore quelques jours plus tard, la maîtrise accrue des coûts opérationnels, etc…
On navigue en permanence dans ce triangle service/stocks/coûts.
Il faut d’une part être à l’aise avec cette fluidité nécessaire et d’autre part, savoir expliquer aux équipes pourquoi la priorité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui (et probablement pas celle de demain) et comment cela vient impacter le quotidien des uns et des autres.
En effet, il n’est pas toujours simple d’expliquer à un Responsable Production qu’il faut investir quelques points d’efficience dans des changements de format supplémentaires ou qu’il faut travailler sur la flexibilité et la polyvalence des équipes pour de plus en plus tendre à adapter la capacité à la demande, et non l’inverse.
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si vous deviez convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs diriez-vous ?
Il y a une multitude de métiers dans la Supply Chain. Certains sont très opérationnels et terrain comme des fonctions en entrepôt. Et d’autres sont très analytiques comme par exemple sur des fonctions de planification centrale ou de design de flux complexes.
On a besoin de compétences très variées : du data analyste à l’acheteur négociateur, en passant par l’expert SAP ou l’agent de planification / approvisionnement.
Il est donc très probable qu’il existe dans le domaine de la Supply Chain un métier qui résonne en vous, et les passerelles existent entre fonctions et domaines. Il n’est pas rare et l’on observe que c’est même de plus en plus le cas : les formations initiales sont souvent très éloignées des fonctions occupées.
La Supply Chain est un milieu qui est ouvert et qui se nourrit de la diversité des talents qui y évoluent.
Merci d’avoir participé à l’interview Passion Supply Chain Matthieu !
À propos de PERSÁN
Entreprise familiale leader dans le développement, la fabrication et la commercialisation de produits pour l’entretien de la maison et le soin personnel.
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