Philippe BOLET, Consultant en Stratégie Supply Chain se prête au jeu de l’interview Passion Supply Chain.
Interview Passion Supply Chain
Philippe, on aimerait en savoir un peu plus sur vous, et vos missions en stratégie Supply Chain…
De formation Ingénieur CESI spécialisation gestion et organisation de la production, j’ai intégré le groupe Heineken en 1993. J’ai d’abord occupé des postes opérationnels sur site industriel et ensuite, des postes fonctionnels au siège social.
Dans cet environnement brassicole, j’ai eu la chance de manager des projets stratégiques avec le Marketing, les forces de Ventes et bien évidemment avec la Finance. Comme par exemple, la mise en place de S&OP en 2010 et d’un IBP en 2022.
Mon expertise en Supply Chain s’appuie sur la maîtrise des processus transversaux en amont et en aval de la production : prévisions de ventes, planning, approvisionnement, sourcing, stockage, livraison Clients.
Depuis juillet 2022, je suis consultant en stratégie Supply Chain. Actuellement, je fais profiter les PMI – ETI de mes connaissances et compétences afin d’améliorer leur marge opérationnelle et de mieux servir leurs clients.
Philippe, quel métier vous faisait rêver lorsque vous étiez enfant ?
Je voulais être pilote de chasse mais le port de lunettes a été rédhibitoire.
Parlez-nous de votre parcours et de vos expériences professionnelles ?
J’ai un parcours assez atypique. En effet, après un BTS en électrotechnique et 10 ans d’expérience, n’arrivant plus à évoluer en entreprises, j’ai décidé de reprendre une formation d’ingénieur.
Comme quoi tout est toujours possible. Il faut s’en donner les moyens et être pugnace.
Ensuite, en intégrant le groupe Heineken, je me suis toujours donné les moyens de pouvoir saisir de belles opportunités.
D’abord sur un site industriel :
- Ingénieur méthode production ( mise en place du TPM)
- Responsable du contrôle de gestion ( pilotage des investissements, montage budgétaire, mise en place de SAP, ..)
- Responsable Logistique, 70 FTE, 2 départements logistique amont & aval
Ensuite au siège social :
- Sourcing manager
- Demand manager
- S&OP manager
- Directeur de Projets S&OP, IBP
J’ai aussi pu faire un petit passage de 6 mois en Nouvelle Calédonie pour implémenter S&OP, un petit paradis sur terre 🌴
Quels sont les livres qui vous ont guidé dans le domaine de la Supply Chain ?
Les livres qui m’ont le plus inspiré :
- Le macroscope de Joël de Rosnay
- Le but : un processus de progrès permanent d’Eliyahu M. Goldratt
- Analyse de la valeur de G Delafollie
- La danse du changement – Maintenir l’élan des organisations apprenantes de Bryan Smith
- Stratégie Océan Bleu – Comment créer de nouveaux espaces stratégiques de W. Chan Kim et Renée Mauborgne
Comment avez-vous vécu les 1ers mois de confinement en 2020, éloigné physiquement de vos collègues, vos clients et de vos équipes ?
Nous étions en préparation d’une phase du GO LIVE du nouvel IBP. Il était donc très compliqué après des mois de préparation et d’engagement de stopper l’enthousiasme et de “postponer” le projet.
Nous avons décidé de lancer quand même le GO LIVE en étant tous en “remote”. Un beau challenge jamais réalisé.
Nous avons donc dû intégrer une modification de certains processus ainsi que d’une nouvelle gouvernance et organisation. Et ce, avec en même temps une énorme incertitude sur la demande et sur les capacités de production (lié aux impacts COVID).
C’était assez “rock ‘n roll “ mais nous y sommes arrivés !
La mobilisation de l’ensemble des équipes a permis un vrai succès. C’était un véritable challenge et je suis fier de mes chefs de projets qui m’ont suivi.
Philippe, comment analysez-vous l’activité Supply Chain des industriels depuis l’épidémie covid et la guerre ?
Ces deux événements ont mis en lumière l’importance de la Supply Chain et la nécessité de TRANSFORMER nos approches afin d’être plus ;
- agile avec les prévisions,
- souple sur la gestion des plannings,
- communicant avec nos fournisseurs,
- en lien direct avec les forces de ventes et le marketing,
- connecté avec la Finance
Les sociétés équipées d’outils de pilotage stratégique (comme S&OP ou IBP) sont aidées sur ces points. Elles peuvent plus facilement faire des scénarios valorisés, intégrer les risques/opportunités, et par conséquence mieux intégrer ces impacts sur le P&L.
Quel a été le déclic, la rencontre ou l’expérience qui vous a amené à vous intéresser à la Supply Chain ?
Lors de ma première expérience en production, j’ai découvert comment étaient réalisés le planning et l’ordonnancement du site de production. Et très vite, j’ai compris qu’il fallait un liant entre les différents départements (fabrication, filtration, conditionnement, achats, rh, maintenance, engineering). Le fonctionnement en “ silo” était un vrai point bloquant.
De par ma façon de fonctionner, je raisonne toujours en ayant une vision transversale E2E (End to end). Et comme dans chacune de mes actions, j’aime aussi savoir qui sont mes clients et mes fournisseurs (internes ou externes), la clé était toute trouvée.
Sachant que la personne la plus importante dans la société est bien évidemment le CLIENT.
Votre plus gros challenge ?
Le plus gros challenge a été le jour où j’ai accepté d’aller seul au bout du monde pour mettre en place un processus S&OP.
Je ne pouvais compter que sur moi. J’arrivais dans un monde que je ne connaissais pas. Et je ne savais pas si les membres du CODIR étaient réceptifs au changement qui allait arriver.
Pour couronner le tout, j’avais 6 mois pour transformer, développer, mettre en place le changement, et avoir au moins 2 cycles mensuels pour valider la solution.
De retour en France après cette expérience réussie, a commencé à germer la petite idée de faire du consulting.
Et me voilà en 2023, consultant en stratégie Supply Chain.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Mon meilleur souvenir est la réussite de la mise en place de mon premier S&OP.
En effet, il a fallu changer la gouvernance, l’organisation et de nombreux processus, y compris le management des données, tout en maintenant le business.
Faire accepter à tous les étages, des membres du COMEX aux Responsables sur sites, de travailler autrement et surtout, de faire sauter le fonctionnement SILO pour passer en mode CROSS reste un souvenir précieux.
Quelles sont les qualités essentielles pour exercer votre métier ?
Je mettrai ici seulement l’accent sur les “ soft skills “ qui se composent pour moi de 2 piliers :
- Le premier, l’ouverture aux autres, la prise en compte de l’aspect humain, l’écoute, l’empathie et la communication, la résilience.
- Le deuxième, le sens collectif, la transversalité, la curiosité et la facilité à définir les visions communes.
Je vous laisse déterminer les points communs de chaque pilier 🙂
Vous devez porter ces valeurs fortement ancrées en vous surtout quand les vents deviennent violents 😣
Si vous pouviez décrire votre métier en une image ?
Un Sherpa.
En effet, le Sherpa connaît bien le terrain, il a l’expérience, il sait par où passer et quand se lancer.
Il aide l’équipe, la cordée, à gravir les obstacles, pour arriver au sommet.
Le Consultant connaît les processus, c’est un expert dans son domaine, il transmet ses connaissances et compétences pour que l’organisation atteigne l’objectif fixé.
Quelle est votre devise ?
Quelles sont les difficultés liées à la nature de votre métier ?
Actuellement, en tant que consultant, le plus difficile est de faire comprendre aux ETI PMI que le pilotage stratégique est important (même avec des outils simples) et qu’il faut toujours changer le toit de la maison avant qu’il pleuve 🌈 .
Mais je comprends aussi que TRANSFORMER en pleine période de crise n’est pas chose facile à décider. Il faut en outre être certain que toutes les équipes adhèrent.
Xavier Lesaffre, un coach pour les managers de + de 50 ans, m’a dit à juste titre « trouves celui qui souffre de ne pas te connaître ».
Prospecter n’est pas une action facile à réaliser quand, pendant plus de 30 ans les projets viennent à vous via votre société.
Mais j’ai de la chance je suis bien accompagné par Agnès Lefebvre chez Ad’Missions et par un nouveau livre de chevet de Nicolas Caron “Lève-toi et prospecte “.
Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si vous deviez convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs diriez-vous ?
Comme je l’explique souvent aux étudiants avec qui je suis régulièrement en contact sur la plateforme « my job glasses » ; dans un monde de plus en plus VUCA, la Supply Chain a un rôle de plus en plus important à jouer.
J’ajoute aussi que la Supply Chain est le seul département qui ait une vision E2E – End to End.
Les passerelles sont possibles. On peut passer d’ordonnanceur ou d’approvisionneur sur site de production à responsable logistique.
Ensuite, les “ move “ vers le siège sont possibles pour des fonctions telles que :
- prévisionnistes,
- planificateurs,
- Supply Chain manager,
- chef de projets,
- S&OP manager,
- Directeur Supply Chain…
De plus, lorsque la société possède un S&OP, les liens de la Supply Chain avec le marketing, les ventes et la finance sont très étroits et offrent aussi de belles opportunités. La gestion des innovations, par exemple.
Merci d’avoir participé à l’interview Passion Supply Chain Philippe !
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