Vincent Simille – Interview Passion Supply Chain

Vincent Simille  – ancien Direc­teur Logis­tique Région du Groupe Saint-Gobain Dis­tri­bu­tion Bâti­ment France, se prête au jeu de l’interview Pas­sion Sup­ply Chain. 

Photo de Vincent Simille - Interview Passion Supply Chain

Interview Passion Supply Chain

Vincent, on aime­rait en savoir un peu plus sur vous…

Ori­gi­naire de la région pari­sienne, j’ai fait des études d’ingénieur en agroa­li­men­taire à Nantes. Puis ma car­rière m’a fait habi­ter dif­fé­rentes villes de France : Limoges, Lyon, Lille,… avant de reve­nir en région pari­sienne, depuis plus de 10 ans.

Je suis un père atten­tion­né de quatre filles. Quatre jeunes femmes main­te­nant, qui me rendent très fier.

Je suis pas­sion­né par la voile – j’occupais mes étés étu­diant en étant moni­teur de voile – mais je pra­tique trop peu aujourd’hui.

Les dif­fé­rentes courses au large ain­si que les inno­va­tions des voi­liers de course m’in­té­ressent beau­coup. Je suis en effet fas­ci­né par l’évolution des per­for­mances des voi­liers. Par exemple le fait qu’ils volent au-des­sus de l’eau grâce à des foils pour le Ven­dée Globe ou la Coupe de l’America, est une petite révolution.

Je me demande si ou quand ces évo­lu­tions pro­fi­te­ront au trans­port mari­time qui se penche de plus en plus sur la pro­pul­sion vélique. Comme les mâts-ailes ou les ailes de cerfs-volants qui équipent désor­mais cer­tains navires.

Je pra­tique régu­liè­re­ment le bad­min­ton, et je m’essaie aus­si au surf lors de mes vacances fami­liales sur l’Ile d’Oléron.

Comment avez-vous géré la crise Covid de 2020 entre éloignement physique lié aux confinements et difficultés d’approvisionnement ?

À cette période j’étais char­gé d’ouvrir un site chez un pres­ta­taire logis­tique et d’élaborer son plan de dis­tri­bu­tion natio­nal de pro­duits de génie climatique.

Les pre­mières récep­tions pour la mon­tée en charge de l’entrepôt étaient pro­gram­mées le 17 mars 2020, l’exact jour du pre­mier confi­ne­ment. Toutes les étapes du pro­jet de démar­rage ont dû être repen­sées au jour le jour. Les appro­vi­sion­ne­ments ont été main­te­nus mais évi­dem­ment très perturbés.

La dis­tri­bu­tion a démar­ré avant la fin du confi­ne­ment avec envi­ron un mois en retard avec un stock incom­plet. Et très vite, tam­bour bat­tant : lors du décon­fi­ne­ment et les mois d’été qui ont sui­vi, la demande de cli­ma­ti­sa­tion a explosé.

Je ne me suis pas confiné. 

Je me suis ren­du presque tous les jours dans les locaux de mon pres­ta­taire pour gérer à la fois les dif­fi­cul­tés inhé­rentes au démar­rage d’un nou­veau site (IT, pro­cess, com­mu­ni­ca­tion), les aléas dus au confi­ne­ment, et pour épau­ler les équipes de mon par­te­naire logis­tique. Ils fai­saient face à un démar­rage dans des condi­tions excep­tion­nelles, c’était impor­tant de par­ta­ger leurs dif­fi­cul­tés. J’ai noué des liens humains très par­ti­cu­liers sur cette période.

Les impor­tantes per­tur­ba­tions rela­tives aux appro­vi­sion­ne­ments ont duré jusqu’à la fin 2021, compte tenu des pro­duits ou des com­po­sants pro­ve­nant d’Asie avec du trans­port mari­time. C’est la qua­li­té de l’information sur la dis­po­ni­bi­li­té des pro­duits, la visi­bi­li­té sur les évè­ne­ments, l’évolution de la demande qui ont été les plus com­pli­qués à gérer.

Il faut recon­naitre que dans l’ensemble et avec un effort impor­tant de péda­go­gie, le réseau de vente et les clients se sont mon­trés com­pré­hen­sifs. Sur­tout lorsque la concur­rence enre­gis­trait les mêmes rup­tures et délais d’approvisionnement que nous !

Avez-vous une anecdote à partager ? 

Oui. Une anec­dote amu­sante de cette période me revient. 

Un chef d’équipe qui uti­li­sait les trans­ports en com­mun ren­trait à 20 heures, au moment où les gens applau­dis­saient pour les soi­gnants à leurs bal­cons. Il des­cen­dait seul sa rue en saluant de la main comme une star de ciné­ma, s’attribuant avec humour la reconnaissance 😁

En un sens, il n’avait pas tort. L’acheminement des pro­duits ali­men­taires et de pre­mière néces­si­té n’aurait pu se faire sans l’investissement du per­son­nel logis­tique, de manu­ten­tion, d’expédition et de livraison. 

En tant que Directeur Logistique, comment appréhendez-vous ce processus au sein de la Supply Chain et pensez-vous que les entreprises devraient repenser leurs stratégies  logistiques ?

Les chaînes logis­tiques sont en constant mou­ve­ment, ali­men­té par les évo­lu­tions tech­no­lo­giques, socié­tales, géo­po­li­tiques et la recherche de pro­fit. Les consom­ma­teurs uti­lisent de plus en plus le e‑commerce et veulent une tra­ça­bi­li­té accrue. La reverse logis­tique a pris une place importante. 

Et, nous assis­tons à une prise de conscience envi­ron­ne­men­tale qui est sus­cep­tible de chan­ger encore beau­coup de choses.

Les crises ren­con­trées ces der­nières années (le covid, les dif­fi­cul­tés avec le trans­port mari­time, la guerre en Ukraine,…) ont appor­té leur lot de consé­quences directes. Elles ont accé­lé­ré des modi­fi­ca­tions du com­por­te­ment des consommateurs.

De plus, il ne faut pas oublier que la sup­ply chain c’est la conci­lia­tion des flux phy­siques avec les sys­tèmes d’information. S’il est un domaine dans lequel il y a des évo­lu­tions consi­dé­rables, c’est bien sur les sys­tèmes d’information !

À tous ceux qui l’ont vécu, on est bien loin de la crainte du bug de l’an 2000… Et de ma pre­mière expé­rience pro­fes­sion­nelle. Ma famille aime en effet me rap­pe­ler que j’ai dû par­tir en plein réveillon orga­ni­sé chez moi pour me rendre dans le pre­mier entre­pôt dont j’avais la res­pon­sa­bi­li­té 😂. Il fal­lait abso­lu­ment s’assurer que le sys­tème fri­go­ri­fique et le WMS fonc­tion­naient bien, pas­sé minuit !

Ces der­nières années, nous consta­tons une vague impor­tante d’installation d’ERP qui sont très struc­tu­rants dans les grosses et moyennes entreprises. 

La pro­chaine étape est l’introduction de l’intelligence arti­fi­cielle. L’évolution des SI a un impact sur les chaînes logis­tiques et vice versa.

Je pense que la logis­tique est dif­fé­ren­ciante, Ama­zon en étant une démons­tra­tion – mais pas for­cé­ment un exemple. 

Les entre­prises doivent donc repen­ser leurs stra­té­gies sup­ply en per­ma­nence pour répondre à leur mar­ché et s’adapter aux chan­ge­ments, pré­vi­sibles ou non, qui ne vont pas man­quer de survenir.

Vincent, quel métier vous faisait rêver lorsque vous étiez enfant ?

Je vou­lais être cui­si­nier. C’est un métier généreux.

Il y a d’ailleurs des points com­muns avec la sup­ply chain quand on ima­gine la pré­ci­sion des flux pour appro­vi­sion­ner juste, trans­for­mer les pro­duits, et les ser­vir à temps et dans les meilleures condi­tions pour appor­ter la satis­fac­tion aux clients ! 

Je me rat­trape en miton­nant les meilleurs plats pos­sibles à ma famille et mes amis.

Il y a ‑t- il un/e héros/héroïne, un être exceptionnel dont vous partagez les valeurs ?

J’ai un immense res­pect pour le par­cours excep­tion­nel du navi­ga­teur néo-zélan­dais Peter Blake. Un grand com­pé­ti­teur. Un lea­der qui a consa­cré la fin de sa car­rière à la recherche et à l’environnement.

Marin d’exception capable de s’illustrer dans dif­fé­rents domaines, il a rem­por­té à la fois des courses en équi­page – la Whit­bread, bat­tu des records – le Tro­phée Jules Verne, tour du monde à la voile. Il a « chi­pé » la mythique Coupe de l’America aux amé­ri­cains puis est par­ve­nu à la conserver. 

Reti­ré de la com­pé­ti­tion, il a accom­pa­gné des équipes scien­ti­fiques sur un bateau conçu par l’explorateur fran­çais Jean-Louis Étienne. 

Sa bru­tale dis­pa­ri­tion com­plète sa légende : il a été abat­tu sur le pont de son bateau alors qu’il était abor­dé par des pirates en ten­tant de s’interposer pour pro­té­ger son équi­page. C’est un exemple de par­cours de pas­sion­né, diver­si­fié, d’abnégation, et d’une grande une capa­ci­té à mobi­li­ser des équipes pour atteindre et dépas­ser des objectifs.

Une personne change en moyenne 6 fois de carrière au cours de sa vie, quel sera votre futur emploi ?

C’est une ques­tion d’actualité, car je suis tout juste en tran­si­tion professionnelle.

J’aimerai répondre à un nou­veau défi de direc­tion logis­tique ou sup­ply chain. Et je m’intéresse aux métiers de conseil et au mana­ge­ment de transition.

J’ai une solide expé­rience réus­sie en direc­tion logis­tique, en super­vi­sion d’activités de trans­port, de ser­vice client, d’approvisionnements, de ges­tion de pro­jets. J’ai une forte orien­ta­tion résul­tats, j’apprécie les défis orga­ni­sa­tion­nels et la mise en place d’améliorations.

Je mets en œuvre un sys­tème de mana­ge­ment col­la­bo­ra­tif et par­ti­ci­pa­tif. Je suis un mana­ger bien­veillant et exi­geant, qui croit beau­coup à l’intelligence collective. 

J’invite ceux que ce pro­fil inté­res­se­rait à me contac­ter sur LinkedIn. 

Et qui sait, peut-être qu’une entre­prise ou une équipe dans le monde de la voile aurait des besoins ?

Parlez-nous de votre parcours et de vos expériences professionnelles passées ?

Ingé­nieur de for­ma­tion, j’ai évo­lué pen­dant 8 ans chez Kuehne&Nagel en effec­tuant de la pres­ta­tion logis­tique, prin­ci­pa­le­ment d’entreposage.

J’ai occu­pé, pour dif­fé­rents clients et dans dif­fé­rentes régions, les postes de res­pon­sable méthodes, direc­teur d’exploitation, direc­teur de site. 

Lors de ce par­cours, j’ai conduit des pro­jets puis enca­dré des équipes de taille et de com­plexi­té crois­sante. Et ce, avant de gérer l’ouverture puis la direc­tion d’un site méca­ni­sé pour Auchan d’une cin­quan­taine de per­sonnes. Je me suis aus­si doté d’un Mas­ter en Logis­tique en Milieu Inter­na­tio­nal grâce à un pro­gramme de déve­lop­pe­ment RH de l’entreprise.

Puis, j’ai pris la direc­tion d’une filiale d’Arvato Ser­vices qui réa­li­sait des pres­ta­tions logis­tiques mul­ti clients, majo­ri­tai­re­ment pour l’édition musi­cale. Cette acti­vi­té était en pleine trans­for­ma­tion avec le déve­lop­pe­ment de la digi­ta­li­sa­tion et du téléchargement.

Au départ du client prin­ci­pal et his­to­rique, j’ai briè­ve­ment pris la direc­tion des 500 per­sonnes de la logis­tique de la SODIS, l’entité de dis­tri­bu­tion et de ser­vices du Groupe Gal­li­mard pour lequel j’ai par­ti­ci­pé au lan­ce­ment de la refonte du sché­ma direc­teur de leur logis­tique. Là aus­si, le modèle de l’édition papier vivait une évo­lu­tion. Les pla­te­formes e‑commerce pre­naient une part de mar­ché crois­sante et les livres se digitalisaient.

Et par la suite ? 

Après une der­nière expé­rience de direc­tion de sites de pres­ta­tion logis­tique mul­ti-clients chez Dach­ser, j’ai rejoint le Groupe Saint-Gobain Dis­tri­bu­tion Bâti­ment France. 

J’y ai pas­sé les dix der­nières années. Avec l’objectif d’apporter ma valeur ajou­tée à la Sup­ply Chain et vou­lant com­prendre les flux, j’ai d’abord diri­gé une agence com­mer­ciale en région parisienne. 

Puis, j’ai pro­gres­si­ve­ment pris les rênes de la logis­tique de l’enseigne Point P – Tra­vaux Publics.

À la vente de l’enseigne, j’ai rejoint une autre par­tie du Groupe pour accom­pa­gner la crois­sance des pro­duits de génie cli­ma­tique (pompe à cha­leur et leurs accessoires). 

J’ai été le direc­teur logis­tique d’une enseigne de dis­tri­bu­tion du Groupe et de cette filière, jusqu’à ce qu’elle soit inté­grée aux réseaux logis­tiques régio­naux en avril de cette année. 

Un par­cours riche en pro­jets, en trans­for­ma­tions, en ren­contres dans dif­fé­rents milieux !

Quel a été le déclic, la rencontre ou l’expérience qui vous a amené à vous intéresser à la Supply Chain ?

Au sor­tir de mes études, j’ai pas­sé une jour­née avec Fran­çois Dés­veaux. Il diri­geait alors chez un pres­ta­taire des opé­ra­tions logis­tiques, une cam­pagne de pro­mo­tion d’une enseigne de grande distribution. 

C’était les pre­mières années où la période his­to­ri­que­ment creuse entre la ren­trée et Noël était exploi­tée par des opé­ra­tions com­mer­ciales. Les volumes avaient lar­ge­ment dépas­sé les prévisions. 

J’ai visi­té des entre­pôts de débord trop étroits, c’était assez arti­sa­nal, humain. J’y ai vu des gens impli­qués, pas­sion­nés, en prise. Cette ambiance m’a plu d’emblée : l’esprit d’équipe, l’adaptation per­ma­nente, la valeur ajou­tée humaine. 

J’ai ensuite pos­tu­lé chez des pres­ta­taires logistiques.

Quels livres ou films vous ont guidé ou inspiré pour exercer votre métier ?

Ce sont plu­tôt des ouvrages rela­tifs au mana­ge­ment et à l’organisation qui m’ont d’abord accom­pa­gné et mar­qué, comme « L’entreprise du troi­sième type » d’Hervé Sérieyx au début des années 2000. 

Aujourd’hui, j’aime appré­cier la place de la logis­tique dans l’histoire et dans l’évolution des civilisations.

En ce moment, je lis « Les routes de la soie » de Peter Frankopan.

La logis­tique est sou­vent sou­li­gnée par son his­to­rique mili­taire, par son impact déci­sif sur les guerres et les batailles. Le débar­que­ment en est un exemple. Ou encore, l’échec de la Grande Armée de Napo­léon en Rus­sie lorsqu’il a trou­vé Mos­cou en feu, empê­chant de se ravi­tailler. Ce pro­cé­dé de « terre brû­lée » est d’ailleurs antique, déjà appli­qué par Ver­cin­gé­to­rix lors de la guerre des Gaules contre César.

Je suis per­sua­dé que la logis­tique est aus­si indis­so­ciable de l’histoire des échanges et du com­merce. Elle est actrice et témoin des évo­lu­tions de nos civilisations. 

La route de la soie, la route du Rhum, la route du thé, les routes com­mer­ciales trans­sa­ha­riennes ont par­ti­ci­pé au façon­ne­ment notre monde d’aujourd’hui.

Je crois volon­tiers que leurs arti­sans sont nos pré­dé­ces­seurs dans les métiers de la supply. 

Au demeu­rant, nos ancêtres seraient cer­tai­ne­ment éton­nés par nos flux. Eux pour qui la dis­tance était pour­voyeuse de valeur alors que depuis une cin­quan­taine d’année nous fabri­quons loin pour dimi­nuer les coûts !

Vous avez de nombreuses expériences de direction de sites logistiques – DACHSER et Kuehne + Nagel… Ces différentes missions vous ont-elles apporté un angle de vue particulier ?

Il y a chez les pres­ta­taires logis­tiques une recherche d’efficience rapide, lié à la tem­po­ra­li­té dif­fé­rente par rap­port aux grandes entre­prises industrielles. 

La durée la plus cou­rante d’un contrat de pres­ta­tion logis­tique est de 3 ans en France. Les pro­jets et les retours sur inves­tis­se­ments doivent être calés sur la durée du contrat. L’activité doit géné­rer des pro­fits sur cette période, tenant compte d’un démar­rage, d’une mon­tée en charge puis d’une courbe d’apprentissage.

Ça impose aux pres­ta­taires une effi­ca­ci­té à tous les niveaux. Les opé­ra­tions sont stan­dar­di­sées autant que pos­sible. Les pro­cess et l’IT sont très robustes, le recru­te­ment et l’appel à du per­son­nel inté­rim facilités.

Et je pense qu’en plus de la rigueur, l’efficacité, et une maî­trise stricte des pro­fits, les pres­ta­taires logis­tiques confèrent agi­li­té et diversité. 

Le fait de tra­vailler chez eux m’a ame­né à côtoyer des don­neurs d’ordre d’environnements et de cultures dif­fé­rents. Entre la grande dis­tri­bu­tion, la dis­tri­bu­tion spé­cia­li­sée, les indus­tries agroa­li­men­taires, l’é­di­tion, le luxe, le e‑commerce, j’ai appris à jon­gler avec leurs pré­oc­cu­pa­tions et leurs exi­gences. Pas­ser d’un dos­sier à un autre change les perspectives.

Un exemple peut-être par­lant est l’unité avec laquelle nous échan­geons : les pertes en entre­pôt se mesu­raient à la Tonne pour Yoplait et Nest­lé parce que la matière est leur pré­oc­cu­pa­tion prin­ci­pale, et à l’€uro pour Auchan et Carrefour. 

Savoir pas­ser d’une uni­té à une autre pour par­ler de la même chose est une gym­nas­tique d’adaptation qui peut orien­ter à mieux com­prendre les attentes et les méca­niques de chaque client.

Quel a été votre plus gros challenge ?

L’accompagnement du mar­ché de pompe à cha­leur ces 4 der­nières années a été pro­ba­ble­ment mon plus gros challenge.

Une acti­vi­té à la fois dépen­dante de la météo, d’orientations et d’incitations faites par l’état, d’ouverture de points de vente, et de four­nis­seurs fai­sant venir leur mar­chan­dise en grande par­tie d’Asie.

Un mar­ché en forte crois­sance +25% en moyenne par an, très inégal qui a par exemple évo­lué en 2022 de ‑8% sur le pre­mier semestre à + 40% sur le second.

J’ai ren­con­tré des situa­tions ten­dues entre mes équipes, les four­nis­seurs, et le réseau de dis­tri­bu­tion, avec la dif­fu­sion d’informations contra­dic­toires sur la dis­po­ni­bi­li­té des produits. 

Les pré­vi­sions et les moyens – humains, sur­face de sto­ckage, trans­port – ont dû être ajus­tés en per­ma­nence. Et en même temps, les enquêtes satis­fac­tion client et du per­son­nel, ain­si que la sécu­ri­té des col­la­bo­ra­teurs ont progressé. 

Le défi de répondre à la fois aux exi­gences des clients, de l’entreprise, et des col­la­bo­ra­teurs dans une période excep­tion­nelle en fait une expé­rience à part.

Quel est votre meilleur souvenir ?

Pro­fes­sion­nel­le­ment, c’est pro­ba­ble­ment l’ouverture et la direc­tion d’un site méca­ni­sé pour Auchan chez Kuehne + Nagel à Les­quin. J’ai accom­pa­gné le pro­jet dès la fin de l’appel d’offres.

Âgé alors d’une tren­taine d’années, j’ai décou­vert cette région du nord de la France, défi­ni l’organisation d’un site logis­tique d’une cin­quan­taine de per­sonnes, recru­té l’ensemble des col­la­bo­ra­teurs, tes­té et récep­tion­né un sys­tème méca­ni­sé de pré­pa­ra­tion de com­mandes et de retours. 

C’était aus­si la pre­mière fois que j’étais res­pon­sable d’un compte de résultat. 

Ce fut une très belle expé­rience humaine, grâce à la cha­leur des gens du Nord – j’ai dû m’initier au ch’ti, et aus­si, une réus­site professionnelle. 

Un site que l’on ouvre c’est un peu comme avoir un bébé : l’accouchement est rare­ment sans dou­leur, on dort peu les pre­miers mois, on éprouve une fier­té lorsqu’il arrive à matu­ri­té et on évoque avec nos­tal­gie la période des balbutiements.

Quelles sont les qualités essentielles pour exercer votre métier ?

Un sens éle­vé de l’organisation, de la réac­ti­vi­té, une plas­ti­ci­té per­met­tant de s’adapter, de la séré­ni­té pour répondre aux situa­tions diverses. 

Il faut aus­si une bonne dose d’humilité et d’écoute, les métiers de la sup­ply étant trans­ver­saux au sein des entreprises.

Si vous pouviez décrire votre métier en une image ?

J’aime bien l’image d’un arbre pour une entre­prise, dans lequel la logis­tique est le réseau de cir­cu­la­tion de la sève.

Arbre illustrant réseau de circulation de la sève : image générée par DALL ·E - OpenAI pour illustrer l'interview Passion Supply Chain de Vincent Simille
Image géné­rée par DALL·E – OpenAI

Le xylème assure le trans­port de la sève brute pré­le­vée au niveau des racines pour les remon­ter vers les organes hauts de l’arbre.

Le phloème effec­tue le trans­port de la sève éla­bo­rée pro­duite au niveau des feuilles à par­tir des pro­duits de la pho­to­syn­thèse pour assu­rer le développement. 

Les plantes sont dépen­dantes des condi­tions exté­rieures. Elles mettent donc en place des stra­té­gies de sto­ckage, de crois­sance par­fois rapide, et de mise en som­meil pour s’adapter. La sève ali­mente l’arbre, de quoi assu­rer son déve­lop­pe­ment et sa trans­for­ma­tion et assume un flux aller et retour, ali­men­té par l’énergie pro­ve­nant des feuilles, dont je fais le paral­lèle avec le commerce. 

Cette image me ren­voie aus­si à mes études de bio­lo­gie avant d’être logisticien !

Quelles sont les difficultés liées à la nature de votre métier ?

Les dif­fi­cul­tés sont aus­si ce qui fait le sel de mon métier 😀

La logis­tique aime l’ordonnancement, la sta­bi­li­té, que les choses soient car­rées. Or, nous évo­luons dans un envi­ron­ne­ment incer­tain et sommes confron­tés à des évè­ne­ments par­fois bru­taux qui bous­culent nos belles organisations.

Les dif­fi­cul­tés de notre métier sont sou­vent liées à l’incertitude, à la non fia­bi­li­té des pré­vi­sions, au fac­teur humain, très impor­tants en sup­ply chain. Et ces der­nières années n’ont pas man­qué d’évènements imprévus !

Je veux aus­si rele­ver comme dif­fi­cul­té la para­doxale invi­si­bi­li­té de notre métier, son manque de recon­nais­sance au sein des orga­ni­sa­tions et plus géné­ra­le­ment dans notre société. 

C’est pour­quoi j’ai plai­sir à par­ti­ci­per à cette série d’interviews qui par­tage des expé­riences de sup­ply chain. 

Les métiers de la logis­tique sont peu mis en évi­dence par rap­port à d’autres fonc­tions plus pres­ti­gieuses. C’est assez incom­pré­hen­sible par rap­port à leur contri­bu­tion dans le fonc­tion­ne­ment des entre­prises et, plus géné­ra­le­ment, par le pour­voi d’emplois.

Le poids éco­no­mique et social de la filière est consi­dé­rable si on addi­tionne l’ensemble des acteurs de la sup­ply chain. Des pilotes de flux jusqu’aux livreurs. En pas­sant par tous ceux qui tra­vaillent dans les entre­pôts et trans­portent de la marchandise.

De mon point de vue, cette filière n’est pas assez valo­ri­sée. Par exemple peu de diri­geants se pré­valent d’être d’anciens logis­ti­ciens. Les voies de for­ma­tion sont encore peu mises en avant lors du par­cours scolaire.

Connais­sez-vous un enfant dont le rêve de métier est d’être logisticien ?

Les enjeux de la Supply Chain et de la logistique sont passionnants. Si vous deviez convaincre des étudiants de s’intéresser à votre métier : que leurs diriez-vous ?

Je leur dirais qu’ils pra­tiquent déjà dif­fé­rents métiers de la sup­ply chain, peut être sans en être conscients. 

Tout sim­ple­ment en consta­tant que leur réfri­gé­ra­teur ou leur réserve de bière est vide😁. En allant faire leurs courses, en ache­tant juste et en tenant compte des pré­vi­sions de réunions fes­tives à venir, en sto­ckant dans le fri­go et les placards !

Les métiers de la Sup­ply sont acces­sibles, dans le sens faciles à appréhender. 

Ils sont connec­tés au quo­ti­dien, et utiles. Ils font appel à de mul­tiples com­pé­tences, humaines, mana­gé­riales, sys­tème d’information.

Nos métiers per­mettent de peser sur le fonc­tion­ne­ment d’une entre­prise avec une grande transversalité. 

En outre, c’est un métier pas­sion­nant, qui sera au cœur des défis envi­ron­ne­men­taux à venir et qui a l’énorme avan­tage de n’être pas près de disparaître !

Mer­ci d’avoir par­ti­ci­pé à l’interview Pas­sion Sup­ply Chain Vincent !